" Les beaux chemins, ne mènent pas forcément vers la sortie. "


  

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Traversée dans le gouffre de la Pierre Saint-Martin

Ces quelques lignes sont le compte-rendu anecdotique d'une traversée célèbre : Tête Sauvage - Verna, sur le karst de la Pierre Saint-Martin (Pyrénées Atlantiques). Cette visite de près de 8 kilomètres pour une dénivellation de -828 mètres, a été réalisée en été 1993, et se révéla riche en rebondissements…



Jour "J" -60
Après les demandes officielles d'autorisation, l'organisation interne se précise. Il est prévu de faire cette traversée en trois temps. D'abord une reconnaissance depuis le tunnel artificiel de la Verna, ensuite la traversée proprement dite en équipant les puits d'entrée (300 mètres) en fixe, et pour finir une troisième journée pour récupérer les cordes.

Jour "J" -20
Pour gagner du temps, il est décidé d'un commun accord de ne plus équiper les puits en fixe, mais de rappeler nos cordes au fur et à mesure de la descente. Nous économisons ainsi la journée de déséquipement prévu à cet effet.

Jour "J" -1
Cette fois, nous décidons de gagner une nouvelle journée, en supprimant la sortie de repérage depuis la salle de la Verna…

A quoi bon s'enfermer
Quand le soleil pointe son nez
Pour une reconnaissance qui ne sert à rien...
Nous allons plutôt prendre un bain

C'est sur ces sages paroles (merci Thierry !), que nous partons pour le superbe canyon de Lescun, où les masses d'eau reçue en pleine figure, résonnent encore dans nos têtes. De retour au camping de Tardets où nous avons établi notre campement, nous préparons méticuleusement le matériel du lendemain.

Jour "J", heure "H" -1
Maintenant nos 6 galériens: Dominique, Florian, Nicolas, Patrick, Pierre et Thierry sont au port d'attache de la station de ski de la Pierre Saint Martin, et plus précisément au bar "Le Relais", en train de déguster les excellents gâteaux basques, spécialité régionale.

L'ambiance qui règne est au beau fixe, le temps dehors au bas fixe… En effet, c'est dans un brouillard à couper au couteau...suisse (que Pierre perdra d'ailleurs à maintes reprises), que nous accédons après une courte marche, à l'entrée du gouffre de la Tête Sauvage. Cette dernière, repérable à sa fameuse cheminée en bois haute de 3 mètres, facilite les expéditions hivernales. Cet édifice, d'ailleurs peu esthétique, entache quelque peu ces superbes lapiaz dénudés que sont les "Arres d'Anie".

Cette fois, l'heure H a sonné... Il est 14 heures, schlick!... Alors que Pierre s'introduit tel un ramoneur, schlick!... Florian tente vainement d'allumer son acéto: schlick!... schlick!... pendant que Dominique, notre apprenti ingénieur de service, essaye de trouver une solution pour accrocher son kit (emprunté à Jacques), à son baudrier (emprunté au club), car il est dépourvu d'une cordelette pour les puits.

Quelques minutes plus tard, schlick!... c'est un échelon après l'autre que nous descendons sur des mâts de perroquet, équipant les puits en fixe. Datant de 1966, et malgré leur aspect "bricole", ils sont en fait parfaitement stables. Cette descente inhabituelle, entrecoupée de quelques photos, se passe sans histoires hormis quelques jurons dans le puits de 46 mètres, au sujet de certains cailloux qui nous accompagnent dans la descente. Schlick!... schlick!... Après 1 heure, nous sommes à -180, où nous troquons les échelles pour des équipements plus civilisés et moins polluants telles que nos cordes habituelles, ne laissant comme trace qu'une ombre éphémère sur la roche reluisante (c'est beau la poésie!...). C'est ainsi qu'au fil des puits, schlick!... schlick!...et reschlick!... nous rappelons nos cordes.

Vers -270, à la base d'un puits de 21 mètres, nous nous retrouvons tous pour la première fois depuis notre entrée dans le gouffre. C'est ici que nous nous rendons compte que Florian n'a toujours pas d'éclairage acétylène, et qu'il avance à l'électrique depuis le début; ce qui n'a d'ailleurs pas l'air de l'inquiéter ! Après quelques remarques au sujet de la préparation du matos personnel, Pierre prend les choses en main, et plus particulièrement sa lampe...
Il fait le point : son carbure n'est pas consumé, et pourtant l'eau coule du pointeau... ...! Conclusion : le gaz ne peut s'échapper et la pression intérieure empêche l'eau de couler ! Elémentaire mon cher Florian-Watson-la-Bricole! En quelques minutes, le bouchon est découvert au niveau du raccord du tuyau sur le casque, et le groupe peut à nouveau reprendre sa route.

Nous arrivons ainsi devant le dernier obstacle sérieux de la zone des puits à savoir, un puits de 92 mètres, qui d'après la topo se décompose en quatre verticales séparées de paliers. Notre seul souci, avec la technique de rappel utilisée, est de se retrouver à six sur un seul amarrage, en train de récupérer notre corde pour le rappel suivant.

Au premier palier, les choses se passent bien ; il faut seulement doubler les amarrages de relais. Mais c'est au suivant que nos affaires se corsent… ce de quoi nous plaisantions arrive ! Le palier devant nous est composé d'un semblant de vire, où seuls deux équipiers peuvent se tenir !!!...
Après quelques réflexions, une corde est tendue sur la paroi opposée distante de 3 mètres, où un second amarrage salvateur est découvert.

C'est ainsi qu'étant longé sur cette corde, chacun s'agrippe tant bien que mal aux parois, tels des singes sur un cocotier, en attendant que nous rappelions la corde du puits précédent, pour l'installer dans la verticale où nous sommes. Ils devront encore patienter quelques instants dans leurs mauvaises postures, car Pierre veut photographier ce tableau inhabituel…

Le dernier palier par contre, compense le précédent puisque nous pouvons nous dégourdir les jambes sur un sol enfin plat, en attendant la dernière verticale de ce grand puits. Au bas de ce dernier, nous constatons que la cavité à beaucoup souffert du passage de spéléos sans scrupules, n'hésitant pas à abandonner leurs déchets en se contentant de les camoufler dans les moindres recoins ; triste vérité en ces lieux où l'on peut se demander qu'elle sera l'avenir d'une cavité à la portée de ces pollueurs souterrains ?

Nous quittons l'endroit par un passage humide appelé le Soupirail. Ce conduit siphoïde de 50 centimètres de haut, n'aurait pas posé de réflexions si l'eau n'avait pas eu la fâcheuse idée d'en occuper les 25 premiers centimètres !...
Nous avons encore beaucoup d'heures à passer sous terre, alors autant rester au sec le plus longtemps possible. Donc, chacun teste sa propre théorie pour franchir l'obstacle sans se mouiller.

Thierry fonce tête baissée dans cet oeil de boeuf inondé. C'est bizarre, même en passant très vite, l'eau : "ça mouille"... Patrick quant à lui passe gentiment, presque au ralenti, tel un gros crabe, en ayant eu soin d'enlever ses gants. Ses manches par contre, ont quand même pris le bain jusqu'aux coudes... Les derniers profitent alors des points positifs des techniques précédentes, sauf peut-être pour Dominique qui, pour les besoins du photographe sadique, dut passer à reculons (face à l'objectif), et attendre à demi immergé, le temps de quelques photos soi-disant super fantastiques, digne d'un calendrier "Spéléo Project"...

Un peu plus loin, après deux ressauts descendus sur des cordes en place dont la solidité se joue à "tiendra, tiendra pas!", nous arrivons dans la minuscule salle Cosyns, où nous décidons de manger un peu. Il était prévu de s'arrêter toutes les 3 heures, nous n'avions donc qu'une heure et demie de retard... Et c'est dans un silence de mort, digne d'une courte pause d'ouvriers sur un chantier, que chacun se restaure d'un frugal repas. Il ne manque que le coup de rouge et le tableau est complet !

Nous reprenons ensuite le chemin de la découverte, quand soudain, alors que nous avançons dans un petit shunt permettant de contourner une vasque profonde, un "Ohé", venant de l'avant, attire notre attention...

Sans réponse de notre part et croyant être le fruit de notre imagination, nous faisons encore quelques pas quand un second appel nous arrête net...
Nous sommes au pied d'un ressaut remontant de quelques mètres, et la voix provient du haut de celui-ci. C'est donc bel et bien une personne qui nous hèle, et Pierre s'empresse de franchir ce ressaut (en larguant au passage son couteau sur Dominique), pour élucider ce mystère, car il lui parait invraisemblable de croiser une équipe qui visite en sens inverse, étant donné que les puits que nous venons de descendre n'étaient pas pourvus de cordes pour la remontée.
C'est alors avec étonnement qu'il fait une rencontre d'un quatrième type... celle de deux énergumènes autour d'une sorte de bivouac hétéroclite, composé de bâches plastiques, cordages et autres objets disséminés ici et là.

Le premier, un grand noiraud rasé à la "Gainsbarre", semble fatigué. Le second, petit, également noiraud, le visage noircit d'un éclairage mal dosé, a l'air en meilleure forme.
Tout de suite nous comprenons qu'ils sont espagnols, et le grand (appelons-le ainsi!), nous explique dans un borborygme franco-espagnol, ce qui leur est arrivé.

Rentrés dans le gouffre le vendredi à 7 heures du matin, nos deux compères progressent quelques heures plus tard dans le Grand Canyon. Arrivés à la deuxième "Barrière", où il faut quelque peu chercher son chemin entre les blocs, nos nouveaux amis ne le trouvent point...
C'est alors que le doute s'installe dans leurs esprits ; ils pensent alors s'être trompés de rivière, car dans une salle précédente, une autre y débouchait. Réaction d'ailleurs étrange quand on imagine que s'ils avançaient dans un affluent de la rivière principale, ils remonteraient le courant au lieu de le descendre comme ils l'ont fait jusque là. Bref, ils décident de revenir sur leurs pas jusque dans la salle Susse, citée précédemment. Là, ils vont errer quelques heures à la recherche de leur itinéraire, pour se rendre à l'évidence qu'ils étaient sur la bonne voie au départ...

Seulement maintenant, un gros problème se pose : leur maigre réserve de carbure étant presque épuisée, ils n'auront plus suffisamment d'éclairage pour ressortir…?!? Ils décident alors de retourner en un lieu où ils seront sûrs de croiser quelqu'un... mais quand ? Leur nourriture se résume à 2 soupes, 2 sachets de thé et une bricole...

Aujourd'hui nous sommes le lundi aux environs de 19 heures. Ce qui fait que nos malheureux attendent depuis 3 jours en un lieu où la température ne doit pas excéder les 6-7 degrés...
Nous allons donc continuer à huit, car nous doutons qu'ils aient l'intention de moisir plus longtemps ici...

Après les avoir regardé manger, tels deux hommes de Cro-Magnon en train de dévorer une antilope, nous rassemblons leur matériel, faisons le plein de leurs lampes à carbure, et nous voici prêt pour la suite de notre aventure que Pierre qualifiait de "sans histoires !"…
Avant de quitter ce lieu, un des Espagnols, devant le regard abasourdi de chacun, nous demande de nous regrouper pour un ultime cliché de leur bivouac improvisé, avec en prime leurs sauveteurs.

Après avoir pataugé dans la rivière que nous avons rejoint, nous traversons ensuite la salle Monique (100 x 30 mètres), encombrée de gros rochers. A la fin de celle-ci, nous nous arrêtons pour enfiler nos combinaisons Néoprène, car une partie aquatique va suivre.
Pendant que nous nous équipons, nos deux Espagnols sont surpris de constater que nous récupérons notre carbure consumé dans des sacs que nous emportons avec nous. Bonne leçon de morale, dans une cavité où les tas de carbure sont "monnaie courante". Ils n'ont d'ailleurs pas osé faire le contraire, allez savoir pourquoi !...

Après une petite descente dans une fissure oblique, nous pouvons tempérer nos combinaisons isothermiques dans une belle vasque d'une vingtaine de mètres. Le but est de bien profiter de la fraîcheur, car nous abordons ensuite la salle Susse longue de 280 mètres, où nous progressons sur une sorte d'arête de gros blocs. Très vite, l'éboulis redescend pour finir sur une zone active : le Grand Canyon.
Là, le décor est de toute beauté. Nous avançons sur des plages de galets, parfois dans l'eau. La galerie a par endroit jusqu'à 10 mètres de large, et le plafond se perd dans les hauteurs. Quelques photos ici et là ralentissent à peine notre progression. Bientôt une barrière de blocs se présente, où il suffit de slalomer entre ceux-ci pour passer. Un peu plus loin, une seconde barrière plus imposante, marque l'arrêt de notre caravane de spéléos. C'est l'endroit où nos Espagnols ont rebroussé chemin. Ils nous expliquent qu'ils ont escaladé très haut entre les blocs, et qu'il n'y avait plus de continuation... Du coup, Nicolas grimpe alors en rive gauche sur un rocher de 2 mètres, et s'engage dans une ouverture entre un bloc et la paroi. Après quelques secondes, nous entendons un "c'est par-là !".
En effet, un morceau de "rubalise" nous confirme le bon chemin. A ce moment, nous sentons les Espagnols comme délivrés d'une certaine crainte de ne plus pouvoir ressortir, car cet endroit avait été la source de tous leurs ennuis.

A les entendre rire et barjaquer dans leur jargon habituel, c'est pour nous un réconfort de sentir leur moral au top niveau.
La balade reprend de plus belle, et nous franchissons par la suite une 3ème puis une 4ème barrière où, à chaque reprise, il faut chercher son itinéraire entre des blocs enchevêtrés. C'est au passage d'une de ces trémies, que Pierre va bousculer par inattention un rocher de la grosseur d'un casque, qui finira sa course sur le dos d'un Espagnol... Son kit ayant amortit le choc, c'est avec des gesticulations et à grand renfort de sourires, qu'il nous fait signe que tout va pour le mieux, pour aussitôt repartir comme si rien ne s'était passé. A leur bivouac il voulait nous faire cadeau des cordes et matériel d'équipement ; maintenant, c'est tout juste s'il ne nous remercie pas du projectile qu'il vient de recevoir !...

Nous abordons ensuite une partie plus étroite, avec de l'eau parfois jusqu'à la taille. Une crue en ces lieux serait radicale. Heureusement, après 300 mètres la galerie s'élargit à nouveau, et nous retrouvons nos plages de galets.

Bientôt, une corde arrivant au-dessus de nos têtes nous indique le chemin à suivre. Nous prenons pied (ou plutôt botte) dans la galerie des Marmites, que nous suivons jusque devant un puits de 6-7 mètres barrant le couloir. La suite est en face de nous, de l'autre côté du vide.
Une main-courante sur la droite, tendue par une sangle et un semblant d'échelle, nous invite à franchir l'obstacle. Mais cette dernière d'un aspect très douteux, nous oblige à ajouter une de nos cordes prévues pour ce genre d'éventualité. Les Espagnols auront d'ailleurs pleinement confiance en elle, puisqu'ils s'y pendront de tout leur poids, malgré deux autres qui suivent le même tracé. Pour notre part, 3 cordes (dont 2 douteuses) valent mieux qu'une... surtout que la nôtre avait déjà beaucoup servi : cela faisait "belle lurette" que l'on ne l'utilisait plus au club...

Donc tout se passe sans accroc, et nous arrivons bientôt à la Grande Corniche, passage impressionnant de quelques dizaines de centimètres de large, au-dessus d'un vide de près de 20 mètres.
C'est juste avant cette vire que nous décidons de nous arrêter pour remplir nos estomacs. Pierre et Thierry vont chercher de l'eau pour préparer une soupe à nos amis catalans. Pour ce qui est de la préparation, c'est Florian qui s'en occupe... et bien sûr il ne trouve rien de mieux que de verser le contenu du sachet prévu pour un litre d'eau, dans une casserole de quatre décis. Résultat : une bonne bouillie bien épaisse, que l'on aurait pu manger à la fourchette...

Après cette halte, nous reprenons le chemin "des écoliers", et franchissons une zone boueuse : la remontée Hidalga. Ce passage clé, permet de contourner une cheminée de 20 mètres dans la galerie principale. On se retrouve ainsi dans un grand conduit descendant (galerie Principe de Viana), dont le sol est curieusement recouvert d'une glaise rouge-orange.

Nous arrivons alors devant une zone de bassins où nous pouvons nous rafraîchir, car les Néoprène commençaient à chauffer depuis un bon moment.

Le temps de 2-3 photos (que les Espagnols n'ont plus vraiment l'air d'apprécier), et nous débouchons bientôt sur le fameux Tunnel du Vent, galerie inondée de 50 mètres pour 4-5 mètres de large, dont le plafond est par endroits à 50 centimètres de l'eau. Le décor en ces lieux est assez sinistre, soutenu par un violent courant d'air balayant tout le conduit. Ici, la progression se fait soit en bateau, soit à la nage. Pour l'occasion, nous avons prévu une chambre à air pour ceux ne voulant pas nager. Elle va s'avérer fort utile aux espagnols, dont il est difficile de juger de leur état de fatigue.

Un volontaire part en éclaireur, suivi bientôt d'un groupe de quatre, tel un essaim de pirates nageant à l'abordage d'une cargaison... Pierre essaye alors en vain de photographier ce spectacle grandiose, mais son flash électronique ne veut plus rien savoir dans cette ambiance saturée d'eau.

Cet endroit marque la fin de la partie active de la traversée, c'est pourquoi nous enlevons notre combi, baudrier et autre matériel, pour ne garder que notre sous-combi, largement suffisante pour la suite.

Il est maintenant minuit et demi, mais le moment n'est pas d'aller se coucher... Nos sacs Sherpa étant remplis au maximum, nous repartons.
Nous marchons maintenant dans des salles énormes, où le spéléo est bien peu de chose dans ce monde dantesque. Depuis la dernière halte, nous suivons un chemin parsemé de pastilles réfléchissantes, car de nombreuses équipes se sont perdues ! Les plus chanceux retrouvèrent leur route après quelques heures, tandis que d'autres durent patienter même quelques jours... en attendant les secours.
C'est la raison pour laquelle l'ARSIP (Association pour la Recherche Spéléologique à la Pierre St-Martin), effectua en 1985 un balisage fixe de ce secteur complexe.

C'est pour nous aujourd'hui de la rigolade que de passer, d'une marque à l'autre, sur un sentier tracé de plusieurs centaines (voire milliers !) de paires de bottes. Il ne nous manque plus qu'un guide parlant à voix haute, pour nous croire dans une grotte touristique…
Heureusement pour nous, les traces s'estompent un peu pour la suite, et nous retrouvons notre esprit de découverte. Après une remontée d'une dizaine de mètres marquant la fin de la salle de Navarre, nous accédons sur un éboulis pentu donnant à la base du célèbre puits Lépineux.
C'est par une trouée au plafond que les premiers explorateurs des années 1950 débouchaient, après une descente au treuil de près de 330 mètres. Ce lieu fut également le théâtre d'un accident tragique, où Marcel Loubens fit une chute de 10 mètres, consécutive au glissement d'un serre câble s'étant dévissé à la longue par les vibrations. Cette petite pièce reliait son harnais au filin d'acier du treuil, avec lequel on était en train de le hisser.
Le malchanceux décéda après 36 heures d'agonie, suite à de multiples fractures, au crâne et la colonne vertébrale.

Plus bas, après une descente raide dans l'éboulis, nous passons devant l'épitaphe de ce dernier, où il est écrit ces quelques mots:

" Ici Marcel Loubens à vécu les derniers jours de sa vie courageuse "


C'est dans ces lieux baignés d'histoire que nous repartons. Une courte descente sur une corde à noeuds nous amène au sommet de la salle Elisabeth Casteret, dont le bas se perd dans l'infini. On traverse cette dernière suivie d'un passage en lucarne, pour déboucher dans la salle Loubens.
C'est ici que s'arrête normalement le balisage par L'ARSIP, mais de nouvelles marques indiquent le chemin à suivre. Donc c'est comme des "grands" que le groupe poursuit sa route.

Plus loin nous passons devant une corde venant du plafond, et notre attention est captée par son sommet, car elle sort d'une petite lucarne dans les hauteurs de la salle.
Après avoir escaladé puis descendu plusieurs pentes d'éboulis, nous passons devant une nouvelle corde venant du haut. Mais ici le décor nous semble familier à tous…comme si …? …
N...de ... de b... de m...! nous nous sommes fait piéger comme des gamins !
En suivant bêtement les repères, nous avons réalisé ainsi une jolie boucle. Chacun se regarde avec le sourire, les Espagnols quant à eux ne rigolent pas !... Nous partons alors à la recherche d'une éventuelle bifurcation que nous aurions manquée, mais une demi-heure plus tard, c'est devant cette fichue corde, que certains passent une troisième fois...

Entre temps, un petit groupe s'était arrêté pour manger. C'est en voulant ouvrir son bidon en plastique où se trouvait son repas, que Florian (encore et toujours lui !) eut la désagréable surprise d'assister à l'explosion de son récipient... lui grillant au passage quelques cheveux et sourcils.
Après avoir retrouvé ses esprits, il ne lui restait plus que le couvercle dans les mains, le bidon quant à lui ayant été projeté tel un boulet de canon, en lieu inconnu. Nous ne l'avons d'ailleurs pas retrouvé !...
L'explosion fit sursauter chacun de nous, même certains qui étaient à une centaine de mètres.
Après réflexion, nous avons découvert la clé du mystère : quelques heures auparavant, lorsque notre "artiste" avait fait le dernier plein de carbure, il avait mis les restes qu'il avait cru être consumés, dans un sachet fermé, qu'il avait mis dans son bidon étanche... La combustion du carbure n'étant pas terminée, le gaz avait continué à se former, et avait mis le bidon tout entier sous pression. Et lorsque notre chimiste de service dévissa plus tard le couvercle, sa flamme toute proche mit le feu au mélange gazeux, ayant atteint sa proportion idéale d'explosion...

Pour l'heure, il fallait pour chacun retrouver le bon chemin. Nous décidons alors de reprendre les choses méthodiquement, en suivant à la lettre le descriptif récent de la traversée, que nous avions emporté avec nous.
Il faut pour cela retrouver un point bien précis correspondant à la description. C'est ainsi que trois d'entre nous, remontent dans les hauteurs de la salle, pendant que les autres attendent bien sagement que la suite recherchée "LEUR SAUTE A LA FIGURE !!!"…

Bientôt, les trois "chercheurs" se retrouvent en un lieu connu correspondant à la description, à savoir le ressaut de l'entrée de la salle Elisabeth Casteret. D'ici, ils descendent d'une centaine de mètres et là, leurs avis divergent...
Thierry soutient "mordicus" qu'il faut rester dans la partie droite de la salle, tandis que Florian et Pierre dans celle de gauche... Bref, chacun croyant à sa propre théorie part de son côté.

Le temps passe et toujours rien... Thierry revenu bredouille vers le reste du groupe, s'amuse un instant à compter les petits lumignons acétylènes perdus dans ces vides colossaux : 1,2,3,4,5,6...7, 8...9, 10, 11...?!?...
Bizarre... nous sommes 6 y compris les espagnols, plus Pierre et Florian qui cherchent encore, ce qui nous donne un total de 8 !...???
A qui sont donc ces trois lumières qui, à 4 heures du matin, déambulent dans notre direction ? Serait-ce encore d'autres spéléos égarés ?...

Pierre et Florian seront les premiers renseignés puisque c'est vers eux qu'ils arrivent. Il s'agit simplement du spéléo-secours français, qui alerté par la femme d'un des espagnols (3 jours après !…), est à la recherche de nos deux gaillards. Cette situation arrange d'ailleurs tout le monde, car voilà 2 heures que nous tournons en rond comme des abrutis dans ce dédale de salles.
Nous avons compris par la suite que la salle Elisabeth Casteret communique par 2 endroits avec la salle Loubens, et qu'un circuit de balises reliait le tout. La bêtise humaine touche donc également les spéléologues, auteurs de cette farce idiote !...

Nous expliquons ensuite aux français, les détails sur le séjour forcé des Espagnols, et nous reprenons ensuite le chemin de la sortie. En passant pour la X ème fois la lucarne menant dans la salle Loubens, nos nouveaux guides hésitent sur la direction à suivre... Maigre consolation pour nous, car bientôt ils se dirigent droit devant, alors que nous précédemment nous partions sur la droite. Nous ne tardons pas d'ailleurs à retrouver de nouvelles balises, mais cette fois ce sont les bonnes.
Nous arrivons ainsi dans le "Métro", vaste tube rocheux de 600 mètres de long, où les dimensions deviennent plus humaines, malgré une section de 30 x 40 mètres !...

La salle Quefélec (100 x 30 mètres) y fait suite, suivie de la salle Adélie (150 x 50 mètres). Ici nous rejoignons un 4ème français resté en attente car souffrant d'un pied. Nous marquons alors un dernier arrêt-repas, et surtout boissons car c'est au pas de charge que notre convoi hispano-franco-suisse se déplace depuis près d'une heure. A noter que nos amis espagnols sont toujours en combinaison Néoprène, qu'ils ont juste retroussée jusqu'à la taille !... Serait-ce d'avoir grelotté pendant trois jours ?

Et c'est dans une ambiance surchauffée (nous sommes maintenant douze), que nous reprenons notre rythme de "croisière forcée" afin de traverser la salle Chevalier (380 x 50 mètres), suivie de la gigantesque salle de la Verna d'un diamètre de 250 mètres.

C'est là que s'achève la partie naturelle de cette visite. Il ne nous reste plus qu'à franchir les 700 mètres d'un tunnel creusé par l'EDF, menant au grand jour ou plutôt petit matin car il est 7 heures.

Cette traversée étant maintenant terminée, elle avait duré 17 heures. Pendant une ultime photo de groupe à la sortie du tunnel, Pierre nous signale qu'il a perdu définitivement son couteau... qui peut-être a suivi le même chemin que le bidon de Florian!


Une heure plus tard, nous nous retrouvons tous au bar "Le Relais" (y compris Jacques venu nous accueillir), pour y manger les fameux gâteaux basques, ce à quoi nous rêvions depuis plusieurs heures...
Quoi qu'il en reste, (du gâteau rien du tout !), nous avons gardé tout au long de la traversée, ces quelques mots qui serviront de conclusion :


" Faut rigoler... faut rigoler… faut rigoler… "





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